Mon intuition est elle correcte ?

“L’intuition est un mode de connaissance, de pensée ou jugement, perçu comme immédiat” dit Wikipedia ici

Définition encore plus intéressante : ” L’intuition semble être immédiate du fait qu’elle paraît opérer sans user de la raison, et est généralement perçue comme inconsciente : Seule sa conclusion est alors disponible à l’attention consciente.”

Nous allons rechercher si tout ça est vrai et puis étant pragmatique, est ce qu’on peut l’utiliser, faire confiance à nos intuitions.

Intuition : Exemples

Un de nos plus grands savants, le mathématicien Henri Poincaré, a écrit longuement sur ses découvertes. Il les attribuait souvent à son inconscient. Il disait :” j’étudiais des questions d’arithmétiques sans succès. J’allais passer quelques jours au bord de la mer et je pensais à autre chose. Un jour me vint, toujours avec le même caractère de brièveté, de soudaineté et de certitude immédiate, que les transformations quaternaires….” Je vous passe les détails de la découverte qui est largement au dessus de ma compréhension.

Ce qui importe c’est toujours le chemin de l’intuition.

• Une étude préalable, intense dans un domaine de connaissance déjà bien connu mais sans succès,
• Une relaxation, une nuit de sommeil, une bonne douche, une pause du conscient,
• Une illumination avec la solution qu’il n’y a plus qu’à vérifier et qui est souvent juste.

Il y a énormément de savants mais aussi de personnes plus modestes qui comptent sur leur intuition. Et 82 prix Nobel sur 93 ont reconnu que leurs découvertes avaient été faites grâce à l’intuition, tout comme 53,6 % des chefs d’entreprise admettent prendre ainsi leurs décisions. C’est tout bonnement énorme !

Cela marche à tous niveaux. J’ai eu un patient chauffeur de poids lourd qui n’avait certes jamais entendu Einstein ou Poincaré qui me raconte un jour tranquillement : “Quand j’ai une panne avec mon camion que je ne comprend pas, je fais la sieste dans mon camion. Quand je me réveille, je sais où chercher. Cela marche parfaitement.”

Intuition mesurée au laboratoire

A. Damasio, le neuro-scientifique spécialiste des émotions, a testé la compréhension inconsciente avec des jeux de cartes. 4 jeux de cartes qui suivant les cartes donnent des gains ou des pertes. Chaque jeu a sa particularité, certains rapportent plus d’argent que d’autres qui creusent les pertes.

Les joueurs devinent progressivement la qualité des jeux mais consciemment il leur faut en moyenne 25 cartes des différents jeux pour se faire une opinion. Mais les chercheurs bien entendu ont mesuré autre chose : l’activité électro-dermale c’est à dire l’humidité sur la peau qui est en relation directe avec les sensations viscérales. C’est une mesure directe des émotions et en particulier du danger, de la peur.

Alors on a pu mesurer très précisément que leur main avait peur lorsqu’elle s’approchait des “mauvaises” cartes. Pas après 25 tirages mais dés la treizième carte tirée ! Bien plus tôt que la conscience, l’intuition inconsciente devinait le danger.

Ecouter ses réactions corporelles, viscérales c’est écouter son inconscient, son intuition profonde. Encore faut il y prêter attention et surtout la comprendre. On peut avoir mal au ventre d’avoir mal mangé sans que cela n’annonce un désastre !

Comment se servir de son intuition

Reprenons ce que disait Poincaré : “Inventer c’est discerner, c’est choisir. (…) Mais on ne peut examiner TOUTES les combinaisons possibles, une vie entière n’y suffirait pas. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Les combinaisons stériles ne se présentent même pas à l’esprit de l’inventeur. Dans le champ conscient n’apparaîtront que les combinaisons réellement utiles. Et peut-être quelques-unes qu’il rejettera mais qui restent un peu utiles pour comprendre. L’inventeur est un examinateur du deuxième degré qui n’interrogent que les candidats admissibles après une première épreuve”. Remarquable analyse !!

Le physicien Leo Szilard a écrit aussi : “Le scientifique créatif a beaucoup en commun avec l’artiste et le poète. Il doit faire preuve de pensée logique et de capacité d’analyse mais ce n’est pas suffisant. Les processus créatifs sur lesquels reposent le progrès scientifique opèrent à un niveau inconscient“.

Pour bien utiliser son intuition, il faut donc :

1. Connaitre son domaine que ce soit la physique ou le camion de mon chauffeur. Un très bon boulanger ne va subitement avoir une intuition en physique nucléaire et Einstein lui même ne détectera pas inconsciemment une mauvaise farine de blé.
2. Laisser venir en n’y pensant plus les idées triées par une partie inconsciente de son esprit, se relaxer, se nettoyer l’esprit conscient. C’est proche de la méditation, des pratiques de l’esprit vide du Zen ou des bouddhistes.
3. Examiner et valider les solutions apparues. Rigoureusement !

Choisir avec les émotions

Mais c’est autre chose si on parle d’une intuition plus qui serait plus comme un bon ou mauvais sentiment, par exemple pour décider d’un achat, d’un investissement, d’une relation.

Je dois déménager, quelle appartement ou maison choisir ? J’ai beaucoup de possibilités, Centre Ville ou loin de la ville, plus ou moins cher, plus ou moins grand, clair ou facile d’accès, etc..Il y a des dizaines, peut-être même des centaines de critères.

Peut on croire au coup de foudre ? A la sensation que c’est celui là qu’il me faut ! Ou doit on faire des listes comparatives précises, pondérées pour définir le “bon” choix ? Doit on analyser ou intuiter ?

Certains vont tout mesurer, d’autres foncer et signer. Qui a raison ? Qui sera le plus heureux ? Ce n’est pas évident. Mais il y a une règle quand même.

Alors que faire ?

Si vous connaissez bien ce domaine vous pouvez davantage choisir suivant votre intuition. Par exemple ce n’est pas votre premier logement, Vous avez déjà habité à différents endroits. Ou bien ce n’est pas votre première voiture ou, osons le dire, ce n’est pas votre premier coup de foudre pour une autre personne. Alors votre intuition peut être plus crédible parce que votre cerveau a déjà mémorisé beaucoup d’expériences. C’est comme avec les jeux de cartes biaisés.

Si c’est votre premier choix dans ce domaine ?? Attention, analysez plutôt bien. Vous vous tromperez aussi parfois mais sans doute moins quand même. Mais attention car “la délibération introduit du “bruit” dans le processus de prise de décision. D’une certaine façon, trop réfléchir nous éloigne de nos vraies préférences”.

Plus on analyse les critères et plus on s’éloigne des ses émotions réelles. Rationnel mais pas forcément le mieux pour être heureux. Cela peut nous amener à choisir le meilleur rapport qualité/prix d’une maison mais celle qui nous rendra le plus heureux.

Les situations critiques

Et puis il y a les situations critiques, celles où on ne peut analyser, par manque de temps et de moyens. “ll n’y a pas d’intuition absolue,”  reconnaît Christophe Haag. “Mais les études s’accordent à dire que dans une situation critique, la prise de décision sur des bases intuitives est plus fiable que la prise de décision rationnelle, analytique.”

On peut ainsi se faire en un éclair une opinion sur une situation donnée, ce qu’on appelle communément la “première impression”. “L’intuition est une forme d’intelligence qui s’adapte très vite à un environnement mouvant, définit Christophe Haag, chercheur en psychologie sociale à l’EMLyon. Comme disait le dramaturge Henry Bernstein “l’intuition est l’intelligence qui a commis un excès de vitesse”.”  Elle permet de réagir vite, dans les situations où la réflexion est impossible.

L’intuition et l’intelligence

Reprenons nos articles sur l’intelligence lisez ici. Le cerveau mémorise les empreintes sensorielles de toute votre vie et les comportements qui ont réussi. Plus vous acquérez d’expériences et plus votre inconscient a de sources pour trouver des similitudes avec la situation qui vous préoccupe. Et plus il a aussi déjà en mémoire des comportements qui pourraient avoir du succès.

Christophe Haag : “En situation d’urgence, les décideurs prennent des décisions intuitives qui reposent sur leur expertise ou sur des expériences émotionnelles antérieures, ou sur des émotions immédiates lorsque la situation n’est pas familière.”

Il y a seulement une chose à respecter si on fait confiance à son émotion immédiate, c’est de bien comprendre l’émotion. Certains les sentent mieux, les décodent mieux aussi. Il faut être sensible à ses propres sensations, c”est la sensibilité intéroceptive qui varie beaucoup.

Un test est de compter les battements de coeur ressentis pendant que quelqu’un les comptent également en prenant votre pouls. Certains se trompent beaucoup, d’autres sont justes à 100 %. C’est un test précis de sa sensibilité à ses propres émotions.

Et si on ressent quelque chose, par exemple une crispation au ventre, est ce une faim ou une alerte ? Etre sensible ne signifie pas qu’on sait ce qu’est l’émotion. Un bon truc : Plus que le mot “peur”, “colère”, pensez la couleur “bleu ou rouge” ou bien la chaleur “froid ou bouillant”. Pensez en images sensorielles. Les émotions se sont des images sensorielles pas des concepts.