Je vais présenter une petite histoire de l’hypnose. Pour la situer dans le temps plus que pour faire oeuvre d’historien. Et le nom de Milton Erickson va apparaître comme le grand re-découvreur de l’hypnose thérapeutique. Celle-ci est plus douce et efficace que les hypnoses pratiquées en Europe autrefois.
Et je vais dire ce qu’est aussi l’hypnose thérapeutique moderne qui a évolué et qui est utilisée partout, de plus en plus, pour différents besoins.
Enfin je vais expliquer à ma manière ce qu’est l’hypnose vu sous l’angle des neurosciences.
Autrefois la transe
Il y a toujours eu des chamans, des sorciers, des guérisseurs, etc.. et leurs techniques étaient très proche de ce qu’on appelle l’hypnose. Mais les mots, les actions étaient culturellement différents. Au lieu de l’inconscient, ils se référent à des esprits, des dieux, des animaux totems. C’est pareil ! La transe est bien là, l’action thérapeutique aussi et donc le résultat est le même. Rien de nouveau sauf les termes et on verra les explications scientifiques sur le fonctionnement du cerveau.
Pour des personnes vivant près de la nature, avec moins de raisonnements complexes, moins de pensées logiques et plus de réactions émotionnelles sans limites, la transe fonctionne immédiatement. Il n’y a pas ou peu de défenses dites intellectuelles. Ce qui ne signifie pas du tout que ces personnes ne pensent pas intensément et avec logique. Simplement la “magie”, les émotions sont intégrées à la vie quotidienne.
Hypnose avec Mesmer, Charcot, Janet, Freud
En Occident, l’hypnose ré-apparait avec Franz-Anton Mesmer en 1778 à Paris. Autrichien d’origine il pratiquait avec grand succès une hypnose magnétique. Cela ne ressemblait pas à ce qu’on fait aujourd’hui. Toutefois son apport essentiel a été de parler de thérapie sans référence au surnaturel ou à des dieux.
Puis il y a eu l‘abbé de Faria avec James Braid qui montrèrent qu’il n’y avait pas besoin de “passes magnétiques”. Une simple fixation par exemple sur les yeux induit l’hypnose. C’est à ce moment qu’est né le mot “Hypnose” venant de “Hypnos= le sommeil”. Ils utilisent déjà des suggestions hypnotiques mais ils sont très directifs.
Puis vers la fin du XIXème siècle nous découvrons les deux écoles de Nancy et de La Salpêtrière, avec Auguste Liébault et Hippolyte Bernheim d’une part et le grand Charcot d’autre part. Les premiers pensaient que la suggestion était tout quand Charcot voyait dans la transe un état physiologique d’abord, l’hystérie. Ce qui n’est plus reconnu aujourd’hui. L’erreur de Charcot qui était le grand découvreur des nerfs a eu des conséquences plus tard pour les travaux de Freud. Citons Pierre Janet (1859-1947) qui était, déjà contradicteur de Charcot, un des meilleurs hypnothérapeutes de l’époque presque moderne.
Sigmung Freud, élève de Charcot et comme lui médecin neurologue, emboîta le pas des théories de son maitre. Il préféra donc reconnaître l’hystérie. Et il développa la méthode cherchant à libérer des souvenirs enfuis dans une partie inconsciente de l’esprit pour libérer des symptômes associés. Et ce fut le développement de la méthode des associations libres avec l’invention de l’inconscient freudien et de la psychanalyse. (lire l’article sur l’Inconscient et en particulier la notion de Freud, ici). La psychanalyse fut largement responsable du déclin de l’hypnose.
Milton Erickson (1901-1980)
C’est le grand Milton Erickson qui fit resurgir l’hypnose par la qualité de son travail, sa vie entière. Il fut un thérapeute hors du commun, reconnu de son vivant comme le plus grand praticien de l’hypnose. Ses méthodes ont renvoyées dans l’histoire ancienne la vieille hypnose autoritaire et directe. Il fut un maître de la thérapie brève à l’opposé de la psychanalyse si longue et coûteuse, finalement peu efficace.
Je ne ferais pas ici l’histoire d’Erickson, un autre article plus tard certainement. Car c’est une vie extraordinaire, trop peu connue en France. Né dans une cabane de rondins dans le Nevada, il eu la poliomyélite, fut gravement paralysé et développa alors ses dons pour l’observation. Il se guérit lui même avec une sorte d’auto-hypnose puis devint médecin psychiatre. Il commença à travailler avec l’hypnose en 1924.
Erickson a été vite convaincu que les états de conscience modifiés, les états de transe font partie des à un degré ou un autre de la vie quotidienne. Et on verra avec les neurosciences combien il a pensé juste.
Il développa son approche naturaliste, permissive et indirecte qui est sa marque personnelle, immense sur l’hypnose moderne.
Né dans cette cabane, Erickson devint consultant pour le gouvernement, ami des plus grands noms : Margaret Mead, Gregory Bateson, Aldous Huxley, .. Bien que de plus en plus malade, diminué par des rechutes de sa polio, il travailla jusqu’à sa mort en décembre 1980.
Hypnose moderne
Nous considérons que l’hypnose n’est que l’accentuation, plus ou moins forte, de la rêverie. Comme quand on regarde les flammes du feu sans les voir, par exemple. On peut être ailleurs tout en étant conscient d’être là. Les actions monotones bien qu’éveillées peuvent se faire quasi inconsciemment.
Ernest Rossi qui travailla avec Erickson pense que, toutes les 90 minutes, il se produit une baisse de la vigilance qui est un début de transe.
Donc actuellement nous pensons que l’hypnose est juste un état normal, plus ou moins accentué, plus ou moins loin de l’état de veille conscient. L’intérêt de cet état est de pouvoir agir, parler avec des parties moins conscientes de l’esprit. Cela permet d’induire des changements de processus inconscients.
Dans notre pratique, nous sommes très loin des hypnoses d’autrefois et même de celles d’Erickson. Pas besoin d’états profonds, pas besoin de phénomènes particuliers comme la lévitation d’un bras, pas besoin de catalepsie, etc.. Pour la thérapie, un état presque normal donne de très bons résultats, avec très peu, voire pas du tout de suggestions hypnotiques. Erickson était un immense artiste pour hypnotiser tout le monde, rapidement et partout mais il n’est heureusement nul besoin d’être un tel génie pour aider.
D’ailleurs les hypnoses enregistrées et écoutées tranquillement de multiples fois ont beaucoup d’effets et à long terme. Sans la présence même du thérapeute. Les suggestions sont tout aussi fortes et efficaces sans aucun effet d’hypnose profonde.
Hypnose et neurosciences
Les explications scientifiques des neuro-scientifiques sont intéressantes bien qu’ils ne soient généralement pas très intéressés par l’hypnose et la thérapie. Les neuro-scientifiques aiment davantage travailler avec des cerveaux “abimés” par des accidents, AVC ou autres problèmes. C’est plus facile pour détecter ce qui est cassé dans le cerveau et donc quelle partie du cerveau est nécessaire et ce qu’elle fait. Souvent ce que les neuro-scientifiques appellent phénomène inconscient c’est seulement une réaction du cerveau à un stimulus qui n’a pas pu être perçu consciemment. La plupart du temps parce que trop rapide pour être perçu consciemment. C’est certainement très réducteur.
Mais la science avance ainsi. Avec des expériences précises sur de petites phénomènes, bien identifiés et pouvant être reproduits par d’autres équipes. Au contraire, la thérapie est globale et l’action du thérapeute est toujours personnelle. Les scientifiques n’aiment pas vraiment ce qui ainsi dépend trop de l’observateur.
Lisez l’article sur l’inconscient ici mais on peut dire ici qu’il est reconnu que le cerveau travaille à la fois en mode conscient et en large part en mode inconscient. Ce n’est pas une partie du cerveau qui est l’inconscient mais de très nombreux modules qui travaillent inconsciemment dans le cerveau. Il n’y a donc pas UN inconscient caché, refoulé au sens freudien, quelque part dans la tête. Il y a de très nombreux comportements qui n’ont pas besoin d’être conscients. C’est sur ces comportements inutiles voire gênants que l’hypnose permet de changer les programmes appris.
Et pour cela, une hypnose légère, aussi évanescente qu’un rêve éveillé, suffit très bien.
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